
Roman qui tisse habilement deux fils narratifs parallèles dans une écriture poétique, franche et incisive. Texte remarquable qui tire immédiatement le lecteur dans deux récits à 30 ans d’intervalle au cœur de Rocca Patrizia, petit village dans les Abruzzes habité de paysans obtus et coincés … des chaises de bistrot se maudissant entre eux, se supportant à coup de médisances …
Le premier fil relate l’arrivée en 1943 de mademoiselle Victoire, une enseignante qui a mission durant la guerre de scolariser les enfants du village. Mademoiselle Victoire est … une femme qui ignore tout de la vie à la campagne, des pas rudes et lents de l’hivers noyés dans les crevasses de l’aube, du silence envahissant inexorablement ce pays montagneux et féroce au survenir du froid, une fois le village déserté par le soleil et les vacanciers …
Mais Victoire ne s’installe pas par hasard dans ce village d’habitants frustes. Quelque chose la pousse à cela et d’ailleurs … cela faisait plus de six ans. Le temps de mourir mille fois et de mille fois renaître dans la poussière de ses pieds, dans le très peu de son absence. Le temps de hurler son abandon, la déchirure de son corps donné à une autre, cette fraude perpétrée à moi par Dieu, ce pilleur …
Parce que les pieds dont elle parle sont ceux d’Emilio Mannari de Rocca Patrizia, lui qui … aimait la petite Française ; elle le rendait fou avec ses allures de bourgeoise qui a trop lu, trop voyagé, vu trop de choses pour se taire et se ranger comme les femmes de chez lui à Rocca Patrizia.
Mais voilà Emilio Mannari, dit le crochu en raison de son nez camus, a finalement épousé zia Rosina qui n’est autre que la tante de Lala Coronesi narratrice et héroïne du second fil narratif, racontant ses vacances d’été en famille à Villa Aïda dans ce même village de Rocca Patrizia.
Alors, presque 30 ans après l’arrivée de Victoire, Lala Coronesi relate ce temps de l’enfance et de l’adolescence à Rocca Patrizia avant de concentrer son récit sur un événement majeur qui aura lieu en août 1975 et qui bouleversera sa vie.
Car durant cet été incendiaire, son cœur de 13 ans s’est enflammé pour un garçon et … au-dessus de l’émeraude de ses yeux, des pluies d’argent battaient, irrégulières, troublantes. … Autour de nous, une horde de cigales déchaînées hurlait sa démesure.
A presque une génération d’écart, ces deux récits de femmes finissent par se rejoindre et nous révéler la raison de tant de bruits, de ragots, de médisances sur leur passage, ou est-ce simplement les habitants de Rocca qui sont … des gens méfiants et haineux ? Mais alors … de qui est cet enfant avec qui elle avait commis la chose immonde … ?
Très belle écriture qui coule et s’écoule, nous conduisant le coeur battant et l’esprit indigné au bout de ses virgules dans ce petit village d’Italie. Qui nous donne à voir ces interdits vivaces propres à une vie âpre et rude d’un petit village des Abruzzes d’un autre temps.
A lire absolument pour qui veut découvrir une écriture originale, poétique et incisive.